tag:blogger.com,1999:blog-77279395865683684652024-03-08T11:25:00.775+02:00(version 2013) Pourquoi le finnois donne-t-il de meilleurs résultats au PISA?Cet article explique pourquoi la langue finnoise donne un avantage à la Finlande dans les tests PISA.Taksin Nuorethttp://www.blogger.com/profile/16674716474726757788noreply@blogger.comBlogger1125tag:blogger.com,1999:blog-7727939586568368465.post-10571322783350957492013-10-30T22:21:00.004+02:002013-12-01T18:50:36.298+02:00© Taksin Nuoret, 2013<br>
<br>
[<a href="http://finnish-and-pisa.blogspot.com">in English</a>]<br>
<br>
<span style="font-size: large;">Table des matières</span> <br>
<ul style="list-style-type:none;margin: 0;padding:0">
<li><a href="#changes">Changements par rapport à la version précédente</a></li>
<li><a href="#introduction">Introduction</a></li>
<li><a href="#Estonia">Le cas de l'Estonie</a></li>
<li><a href="#SwedishSpeakingFinns">Le cas des Finlandais suédophones</a></li>
<li><a href="#SwedishSpeakingStudentsInPISA">Remarques annexes sur les
élèves suédophones au PISA</a></li>
<li><a href="#orthography">L'orthographe du finnois</a></li>
<li><a href="#morphology">La morphologie du finnois</a></li>
<li><a href="#science">Et les matières scientifiques?</a></li>
<li><a href="#studies">Études antérieures</a></li>
<li><a href="#conclusion">Conclusion et perspectives</a></li>
<li><a href="#references">Références</a></li>
</ul>
<br>
<a id="changes"><span style="font-size: large;">Changements par rapport à la
version précédente</span></a><br>
<br>
En plus de changements mineurs et de clarifications par rapport à la <a href="http://le-finnois-et-pisa-1.blogspot.com">version
précédente</a>, j'ai essayé ici de fournir plus d'informations sur des
études passées concernant l'influence de la langue, du finnois en
particulier, sur les processus d'apprentissage.<br>
<br>
<a id="introduction"><span style="font-size: large;">Introduction</span></a><br>
<br>
Depuis décembre 2001, date à laquelle les résultats des premiers tests PISA
furent rendus publics, le système éducatif finlandais a focalisé l'attention
internationale. Les délégations étrangères viennent en masse en Finlande,
dans l'espoir de percer les secrets de ce pays. La Finlande essaie aussi de
tirer profit de son succès au PISA en exportant son savoir en matière
d'éducation [1]; cette stratégie est appuyée par des interventions, dans des
événements internationaux, par des représentants du Ministère de l'Éducation
et de la Culture [2].<br>
<br>
L'explication communément acceptée est que le système éducatif finlandais
est meilleur. Par exemple, les aspects suivants ont été mis en avant:<br>
<ul>
<li>Les écoles pratiquent couramment le tutorat pour les élèves faibles.</li>
<li>Chaque école dispose d'une assistante sociale ("koulukuraattori").</li>
<li>En cas de maladie, les professeurs sont souvent remplacés.</li>
<li>Les professeurs sont rarement en grève.</li>
<li>Les méthodes d'enseignement de la langue maternelle sont solides. Les
élèves finnois de CP apprennent à lire en commençant par les lettres,
puis les syllabes, puis les mots, puis les phrases. Par exemple, tout au
long du CP (et de la plus grande partie du CE1), les mots sont souvent
imprimés avec les syllabes séparées par des traits d'union [3]. Les
méthodes aventureuses (telles que celles qui consistent à partir des
mots ou phrases dans leur globalité) ne sont pas utilisées.</li>
<li>Les écoles ont davantage d'autonomie que dans beaucoup de pays. Par
exemple, les écoles peuvent renvoyer les enseignants si elles ne sont
pas satisfaites de leur travail.</li>
<li>Le métier d'enseignant est mieux reconnu que dans de nombreux pays.</li>
<li>La transition entre primaire et secondaire est moins brusque que dans
de nombreux pays.</li>
<li>Les élèves finlandais disposent d'une cantine scolaire gratuite.</li>
</ul>
Des explications non liées au système éducatif ont aussi été proposées, y
compris celles-ci:<br>
<ul>
<li>La société finlandaise est homogène. Le nombre d'étrangers est moindre
que dans la plupart des pays de l'OCDE (3,6% à la fin de 2012 [4]), ce
qui facilite le travail des professeurs.</li>
<li>L'orthographe du finnois est régulière, facilitant ainsi la tâche des
élèves finnois.</li>
<li>Les programmes de télévision étrangers sont sous-titrés, au lieu
d'être doublés comme dans beaucoup de pays de l'OCDE, facilitant ainsi
l'apprentissage des langues étrangères.</li>
</ul>
(Notez bien que je ne prétends pas ici que ces aspects expliquent ou
n'expliquent pas le succès de la Finlande. Je me contente de rapporter que
certains les ont avancés comme explications possibles.)<br>
<br>
Bien que des explications non liées au système éducatif finlandais soient
parfois mentionnées, celles inhérentes à ce système sont celles qui sont le
plus mises en avant par les médias, aussi bien en Finlande qu'à l'étranger.
[5a] and [5b] sont des exemples typiques à cet égard. Et beaucoup ont été
enclins à accepter l'explication selon laquelle le succès de la Finlande au
PISA est dû principalement à son système éducatif.<br>
<br>
C'est alors que, fin 2007, les résultats de PISA 2006 furent rendus
publics...<br>
<br>
<a id="Estonia"><span style="font-size: large;">Le cas de l'Estonie</span></a><br>
<br>
En 2006, l'enquête PISA fut menée pour la troisième fois. En 2000 et 2003,
la plupart des participants étaient des pays de l'OCDE, mais en 2006 le
groupe des pays appelés "économies partenaires" qui ont participé fut
largement étendu, et inclut des pays aussi variés que le Brésil, la
Bulgarie, la Croatie, l'Estonie, Israël, la Lettonie, le Qatar, la Roumanie,
la Thaïlande et l'Uruguay. Au total, 57 pays participèrent en 2006 [6].<br>
<br>
Comme pour les enquêtes de 2000 et 2003, la Finlande obtint à nouveau des
résultats impressionnants, loin devant tout le monde - cf. le Tableau 2 de
[6].<br>
<br>
Un aspect frappant des résultats de 2006 fut la performance de l'Estonie: 5<sup>ème</sup>
place au niveau mondial (après la Finlande, Hong Kong, le Canada et Taiwan),
c'est-à-dire deuxième pays européen après la Finlande - cf. le Tableau 2 de
[6]. Dans le Tableau 1 de [6], l'Estonie arrive même en deuxième position au
niveau mondial (après la Finlande).<br>
<br>
Or, l'Estonie est un petit pays (1,29 millions d'habitants en 2011), à
l'histoire récente mouvementée (elle ne restaura son indépendance qu'en
1991). Son PIB par habitant est modeste comparé à celui de beaucoup de pays
de l'OCDE.<br>
<br>
Le fait qu'un tel pays obtint au PISA de meilleurs résultats que tous les
pays européens de l'OCDE (à part la Finlande) n'est-il au moins aussi
remarquable que le succès de la Finlande? Y aurait-il un facteur commun
derrière le succès de la Finlande et celui de l'Estonie?<br>
<br>
Il existe en effet un facteur commun: la langue.<br>
<br>
Le finnois et l'estonien ne sont pas des langues indo-européennes, mais
finno-ougriennes. Le hongrois appartient également à la famille des langues
finno-ougriennes. Le finnois et l'estonien font partie de la branche
fennique de la famille finno-ougrienne, alors que le hongrois est le
principal représentant de la branche ougrienne.<br>
<br>
Le finnois et l'estonien sont si proches qu'il est possible pour les Finnois
n'ayant jamais étudié l'estonien de comprendre l'estonien dans une certaine
mesure, et vice-versa. En tout cas de nombreux mots isolés peuvent être
reconnus, même si la compréhension globale est souvent difficile.<br>
<br>
La Finlande et l'Estonie obtiennent-elles toutes les deux des résultats de
premier plan au PISA par quelque remarquable coïncidence, ou bien la langue
joue-t-elle un rôle important?<br>
<br>
<a id="SwedishSpeakingFinns"><span style="font-size: large;">Le cas des
Finlandais suédophones</span></a><br>
<br>
Il existe en fait une façon d'en savoir davantage sur le rôle de la langue
finnoise dans le succès de la Finlande.<br>
<br>
Il y a deux langues officielles en Finlande: le finnois et le suédois [7].
Fin 2012, la minorité suédophone représentait 5,36% de la population
finlandaise, la majorité finnophone 89,68% [8].<br>
<br>
La population suédophone est concentrée sur les côtes ouest et sud du pays.
L'archipel d'Åland, situé entre la Finlande et la Suède, est presque
exclusivement suédophone.<br>
<br>
Pour des raisons historiques, la proportion des Finlandais suédophones dans
les classes supérieures de la société a été importante. Ceci fut vrai
particulièrement jusqu'au début du 20<sup>ème</sup> siècle, mais des
différences notables subsistent même de nos jours. Citons [9]:<br>
<br>
<i>"3.4. Montant des investissements et langue
maternelle<br>
<br>
Le Tableau 7 étudie comment langue maternelle et
montant des investissements sont liés. La minorité suédophone (5.8% de la
population finlandaise) est beaucoup plus riche que la majorité finnophone
(92.9% de la population): le montant moyen des investissements des
Finlandais finnophones qui possèdent des actions, 69,700 FIM, est moins
que le tiers du montant des investissements des Finlandais suédophones qui
possèdent des actions, 221,100 FIM. Le taux d'habitants qui investissent
est également plus important chez les Finlandais suédophones (14.1%) que
chez les Finlandais finnophones (9.1%). La valeur des investissements en
actions d'un Finlandais suédophone est donc en moyenne plus de quatre fois
supérieure à celle d'un Finlandais finnophone."<br>
</i> <br>
La population suédophone, en plus d'être en moyenne plus riche que la
population finnophone, jouit d'une vie sociale plus développée, a une
meilleure estime d'elle-même, est plus tolérante, a une espérance de vie
beaucoup plus élevée [11], etc.<br>
<br>
Il existe d'ailleurs un dicton suédois méprisant à l'égard de la population
suédophone, utilisé encore parfois par certains finnophones en Finlande:
"svenska talande bättre folk" ("le peuple supérieur suédophone").<br>
<br>
En Finlande également, le milieu socio-économique des élèves influence
grandement les résultats scolaires (bien que dans une mesure moindre que
dans la plupart des pays de l'OCDE). Traduction d'un extrait de [12] (p.
35):<br>
<br>
<i>"Les élèves dont les parents occupaient des
professions du plus haut statut ont surclassé ceux de milieux
socioéconomiques plus modestes. Ceci était particulièrement le cas, par
exemple, en Hongrie, en Belgique, en Turquie et en Allemagne. La
différence était considérable également en Finlande, bien que clairement
inférieure à la moyenne de l'OCDE (Figure 13)."</i><br>
<br>
On est par conséquent en droit d'attendre que les Finlandais suédophones,
lesquels sont testés en suédois, obtiennent des résultats au PISA
considérablement supérieurs à ceux des Finlandais finnophones.<br>
<br>
Or, il y a bien une différence entre les résultats au PISA des Finlandais
suédophones et ceux des Finlandais finnophones, mais opposée à celle
attendue. Traduction d'un extrait de [12] (p. 17):<br>
<br>
<i>"Au PISA 2003 les élèves finnophones ont clairement
surclassé leurs homologues suédophones dans les compétences en sciences,
avec une différence moyenne de 26 points. Cependant, la minorité
suédophone a obtenu de très bons résultats, puisque ces résultats sont au
même niveau que ceux des Pays-Bas."</i><br>
<br>
Les résultats des Pays-Bas ne sont effectivement pas du tout mauvais, mais
profitons de cette citation pour remarquer que si la population suédophone
se trouvait être nettement majoritaire en Finlande, le système éducatif
finlandais ne serait probablement pas le centre de l'attention
internationale — du moins pas plus que le système éducatif néerlandais.<br>
<br>
Même pays, même Ministère de l'Éducation, milieu socioéconomique inférieur
en moyenne, et pourtant meilleurs résultats au PISA. Pourquoi le finnois en
tant que langue maternelle donne-t-il de meilleurs résultats au PISA?<br>
<br>
<a id="SwedishSpeakingStudentsInPISA"><span style="font-size: large;">Remarques
annexes sur les élèves suédophones au PISA</span></a><br>
<br>
20,8% des élèves finlandais ayant participé à PISA 2003 étaient suédophones,
c'est-à-dire beaucoup plus que la proportion de la population suédophone
(qui était de 5,55% en 2003 [8]). Traduction d'un extrait de [13]:<br>
<br>
<i>"En Finlande, l'échantillon pour le PISA 2003
comprenait 147 écoles finnophones et 50 écoles suédophones. La population
était de 6235 élèves, dont 5796 (93%) répondirent aux questions du test.
Parmi eux, 4589 étaient finnophones et 1207 suédophones."</i><br>
<br>
Ceci signifie que les résultats au PISA 2003 des élèves finnophones étaient
en fait encore plus élevés que ceux dont on rendit compte pour tout le pays
(puisque les résultats dont on rendit compte pour tout le pays incluent les
résultats de deux communautés linguistiques).<br>
<br>
Beaucoup moins d'élèves suédophones prirent part au PISA 2006: seulement
5,7%, ce qui est proche de la proportion de la population suédophone (5,49%
en 2006 [8]). Traduction d'un extrait de [14]:<br>
<br>
<i>"En Finlande, l'échantillon pour le PISA 2006
comprenait 144 écoles finnophones et 11 écoles suédophones. La population
était de 5265 élèves, dont 4714 (90%) répondirent aux questions du test.
Parmi eux, 4413 étaient finnophones et 301 suédophones."</i><br>
<br>
Je n'ai pas trouvé les nombres correspondants pour PISA 2000.<br>
<br>
<a id="orthography"><span style="font-size: large;">L'orthographe du finnois</span></a><br>
<br>
L'orthographe du finnois
est très régulière. En d'autres termes, la correspondance entre lettres et
phonèmes est étroite: en général, un phonème correspond à une lettre, et une
lettre à un phonème. Ainsi, un Finnois entendant un mot inconnu sait
l'orthographier, et un Finnois lisant un mot inconnu sait le prononcer. Il n'y
a que peu d'exceptions [15].<br>
<br>
L'orthographe de l'estonien est à peu près aussi régulière que celle du
Finnois.<br>
<br>
Il est bien évident que, toutes autres choses étant égales par ailleurs, une
orthographe régulière facilite la tâche: les élèves n'ont pas à consacrer
une aussi grande partie de leur cursus à l'apprentissage de la lecture et de
l'écriture.<br>
<br>
Il y a cependant d'autres aspects de la langue qui sont favorables.<br>
<br>
<a id="morphology"><span style="font-size: large;">La morphologie du finnois</span></a><br>
<br>
Comme beaucoup de langues, le finnois peut former des mots à partir de
racines de deux façons: composition et dérivation. Exemples en anglais:<br>
<ul>
<li>[composition] 'rail' + 'way' = 'railway' (deux lexèmes se combinent
pour former un nouveau lexème)</li>
</ul>
<ul>
<li>[dérivation] 'bitter' + '-ness' = 'bitterness' (un lexème se combine
avec un affixe pour former un nouveau lexème)</li>
</ul>
<br>
Un aspect remarquable de la morphologie du finnois est la richesse de sa
morphologie dérivationnelle. La morphologie compositionnelle est également
très riche en finnois, mais elle l'est également dans les langues de
beaucoup de pays qui prirent part à PISA, par exemple en allemand, en
néerlandais ou en suédois.<br>
<br>
Un exemple de la richesse de la dérivation en finnois:<br>
<ul>
<li>'kirja' - 'livre'</li>
<li>'kirjailija' - 'écrivain'</li>
<li>'kirjailla' - 'broder'</li>
<li>'kirjailu' - 'broderie'</li>
<li>'kirjaimellinen' - 'littéral'</li>
<li>'kirjaimellisesti' - 'littéralement'</li>
<li>'kirjaimisto' - 'alphabet'</li>
<li>'kirjain' - 'lettre' (de l'alphabet)</li>
<li>'kirjallinen' - 'écrit; littéraire'</li>
<li>'kirjallisuus' - 'littérature'</li>
<li>'kirjaltaja' - 'typographe'</li>
<li>'kirjanen' - 'brochure, livret'</li>
<li>'kirjasin' - 'police de caractères' (en typographie)</li>
<li>'kirjasto' - 'bibliothèque'</li>
<li>'kirjata' - 'noter, prendre note de'</li>
<li>'kirje' - 'lettre' (document)</li>
<li>'kirjeellinen' - 'par lettre' (adj.)</li>
<li>'kirjelmä' - 'lettre, note, message'</li>
<li>'kirjelmöidä' - 'se plaindre (par écrit)'</li>
<li>'kirjoitella' - 'écrire' (de temps en temps)</li>
<li>'kirjoittaa' - 'écrire'</li>
<li>'kirjoittaja' - 'personne qui écrit'</li>
<li>'kirjoittaminen' - 'le fait d'écrire'</li>
<li>'kirjoittautua' - 's'inscrire, s'identifier'</li>
<li>'kirjoittelu' - 'le fait d'écrire' (de temps en temps)</li>
<li>'kirjoitus' - 'écrit' (subs.)</li>
<li>'kirjoituttaa' - 'faire écrire'</li>
<li>'kirjuri' - 'scribe'</li>
</ul>
(Et en plus, il y a naturellement une myriade de mots obtenus par
morphologie compositionnelle à partir d'un des lexèmes ci-dessus.)<br>
<br>
Les parties 53, 54, 55, 56, 58, 59, 66, 67, 68 and 69 de [16] donnent des
listes impressionnantes de suffixes du finnois.<br>
<br>
Ainsi, le nombre de racines nécessaires à l'élaboration d'un vocabulaire
comparable est plus faible en finnois que dans beaucoup d'autres langues.<br>
<br>
Un autre aspect de la morphologie du finnois qu'il convient de remarquer est
le fait que les affixes et radicaux étrangers (par exemple, les affixes et
radicaux grecs et latins) sont moins souvent utilisés en finnois que dans
beaucoup de langues des pays de l'OCDE. Et quand des affixes et radicaux
latins ou grecs apparaissent en finnois, les mots ainsi obtenus sont souvent
utilisés en parallèle avec des mots appartenant à des strates plus anciennes
du lexique finnois.<br>
<br>
Comparer, par exemple:<br>
<ul>
<li>[finnois] 'saaristo' ('saari' = 'île', '-sto' = suffixe collectif,
'groupe de')</li>
</ul>
et:<br>
<ul>
<li>[français] 'archipel'</li>
</ul>
<br>
Un locuteur finnophone entendant 'saaristo' pour la première fois comprend
le mot. Un locuteur français entendant le mot 'archipel' pour la première
fois ne le comprend probablement pas (s'il ou elle ne connaît pas le grec).<br>
<br>
Autre exemple (avec le latin cette fois):<br>
<ul>
<li>[finnois] 'kyynelpussi' ('kyynel' = 'larme', 'pussi' = 'sac')</li>
</ul>
et:<br>
<ul>
<li>[français] 'sac lacrymal'</li>
</ul>
<br>
L'usage relativement rare des radicaux et affixes d'origine étrangère rend
la morphologie du finnois plus transparente que la morphologie de la plupart
des langues des pays de l'OCDE.<br>
<br>
<a id="science"><span style="font-size: large;">Et les matières
scientifiques?</span></a><br>
<br>
La Finlande a obtenu des résultats de premier rang non seulement en 2000
(quand l'accent de l'étude PISA était sur les compétences en lecture), mais
aussi en 2003 (accent sur les compétences en mathématiques) et en 2006
(accent sur les compétences en sciences).<br>
<br>
Il semble clair que quelque avantage que ce soit donné par la langue
finnoise peut expliquer non seulement les résultats de la Finlande au PISA
2000, mais aussi ses résultats de 2003 et 2006, étant donné que les tâches
mathématiques et scientifiques exigent en premier lieu une bonne
compréhension écrite.<br>
<br>
Les mêmes remarques faites ci-dessus au sujet de la transparence de la
morphologie du finnois s'appliquent naturellement tout aussi bien aux termes
mathématiques et scientifiques.<br>
<br>
Comparer, par exemple:<br>
<ul>
<li>[finnois] 'viisikulmio' ('viisi' = 'cinq', 'kulma' = 'angle'; 'viisi'
et 'kulma' sont des mots finnois)</li>
</ul>
et:<br>
<ul>
<li>[français] 'pentagone' ('pente' = 'cinq', 'gônia' = 'angle'... en
grec)</li>
</ul>
Une morphologie transparente aide assurément aussi en mathématiques et
autres matières scientifiques. Et cette aide s'ajoute au fait que les
élèves, n'ayant pas à consacrer une aussi grande partie de leur cursus à
l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, ont davantage de temps à
consacrer à d'autres matières, par exemple aux mathématiques et autres
matières scientifiques.<br>
<br>
Malheureusement, je n'ai pu trouver d'échantillons de questions PISA qu'en
anglais [17]. Il serait intéressant de comparer la version anglaise avec la
traduction finnoise des questions, particulièrement en mathématiques et
autres matières scientifiques.<br>
<br>
<a id="studies"><span style="font-size: large;">Études antérieures</span></a><br>
<br>
Dans un article publié en 2000 [18], les auteurs font part des résultats de
leurs expériences menées auprès d'enfants finnophones de 9 et 12 ans. Ils
firent d'intéressantes découvertes ayant trait à l'influence de la
morphologie sur l'acquisition du vocabulaire. <br>
<br>
Plutôt que s'essayer de résumer l'article, je préfère en donner des
citations textuelles (traduites en français):<br>
<ul>
<li>[p. 288] <em>"Le finnois est une langue finno-ougrienne,
agglutinante, avec une morphologie très riche."</em></li>
<br>
<li>[p. 288] <em>"De plus, la dérivation et la composition sont très
productives en finnois, ce qui conduit à d'immenses familles
morphologiques."</em></li>
<br>
<li>[p. 288] <em>"Pour résumer, la grande majorité des mots finnois dans
un texte courant sont polymorphémiques (pour les noms, 97,4%) et de
fréquence très faible."</em></li>
<br>
<li>[p. 292] <em>"De façon plus intéressante, l'arrangement morphologique
des mots influence nettement la performance de nos sujets quand on
leur demande de définir des mots. Tout d'abord, la performance globale
est la plus faible pour la catégorie pour laquelle il n'y a pas de
recours possible à la morphologie, c'est-à-dire pour les mots
monomorphémiques; la performance est la meilleure pour les mots
dérivés avec des suffixes très productifs."</em></li>
<br>
<li>[p. 292] <em>"Cependant, pour les mots dérivés, des unités
sublexicales existent sous la forme de morphèmes assez fréquents, et
la déduction de la signification grâce à ces unités est un recours qui
donne de plutôt bons résultats, avec un succès d'autant meilleur que
les dérivations sont productives."</em></li>
<br>
<li>[p. 294] <em>"Cet effet de fréquence du radical corroborerait le fait
qu'aux faibles fréquences les enfants déduisent les aspects
syntactiques et sémantiques de mots complexes sur la bases des
morphèmes qui les constituent."</em></li>
<br>
<li>[p. 294] <em>"À cet égard, il n'est pas surprenant que les jeunes
enfants finnois sont plus sensibles à la structure interne des mots
que les enfants indo-européens de leur âge."</em></li>
<br>
<li>[p. 294] <em>"Ainsi, fréquence, productivité des suffixes et langue
semblent tous influencer le rôle que joue la structure morphologique
dans l'acquisition du vocabulaire."</em></li>
</ul>
Et les auteurs de conclure ainsi leur article:
<ul>
<li>[p. 294] <em>"La notion plus générale de cette étude est que les
enfants bénéficient grandement de l'utilisation qu'ils font de la
morphologie afin de déterminer la signification des mots. Ceci peut
leur être particulièrement utile lorsqu'ils écoutent des discours ou
lisent des textes comportant un nombre important de mots peu usités.
Ainsi que montré dans cette étude, c'est particulièrement dans le
domaine des faibles fréquences qu'ils seront aidés par leur amis
morphémiques."</em></li>
</ul>
Le lecteur intéressé est invité à lire l'article dans son intégralité.
Malheureusement, seulement le résumé est disponible en ligne.<br>
<br>
D'autres études ont été menées sur l'impact de la langue (en général) sur
plusieurs aspects de l'apprentissage, et sur celui du finnois en
particulier. Mentionnons-en brièvement deux, où les auteurs mettent en
exergue l'avantage procuré par une orthographe transparente:<br>
<ul>
<li>[19, p. 23] <em>"Parmi treize orthographes européennes, le finnois a
l'orthographe la plus transparente et la structure syllabique la plus
simple, alors que l'anglais a l'orthographe la plus complexe. Ceci
explique vraisemblablement que les enfants finnois arrivent souvent à
une lecture précise et relativement courante avant la fin de la
première année scolaire."</em></li>
<br>
<li>[conclusion de 20, p. 168-169] <em>"Selon cette interprétation, la
lente progression dans les compétences de base à l'écrit de
l'échantillon écossais peut être vue comme la conséquence inévitable
de la complexité de l'orthographe et de la phonologie de l'anglais. Il
se peut que la vitesse d'apprentissage puisse être influencée à la
marge, retardée par un handicap socioéconomique (Duncan & Seymour,
2000), éventuellement accélérée par des modifications portées à
l'enseignement de la méthode alphabétique, et est peut-être sensible
au niveau de développement cognitif de l'enfant au moment de
l'apprentissage de la lecture. Cependant, même lorsque ces aspects
sont tous optimaux, il y aura toujours un coût lié à la réalisation
d'un processus dual, lequel créera des différences irréductibles dans
les rythmes de progrès entre d'une part l'apprentissage de la lecture
en anglais ou autres orthographes opaques, et d'autre part
l'apprentissage de la lecture dans une orthographe transparente."</em></li>
</ul>
<a id="conclusion"><span style="font-size: large;">Conclusion et
perspectives</span></a><br>
<br>
Les étudiants finlandais finnophones obtiennent de meilleurs résultats à
l'enquête PISA que les étudiants finlandais suédophones, et ce contre tous
pronostics liés aux facteurs socioéconomiques. Ceci est un signal fort que
la langue joue un rôle plus important que ce que la plupart des
commentateurs suggèrent.<br>
<br>
Des travaux scientifiques ont montré que la langue a une influence
sur différents aspects de l'apprentissage. Les trois articles cités
ci-dessus montrent que le finnois a plusieurs caractéristiques qui
favorisent l'apprentissage. Citons parmi ces caractéristiques: une
orthographe transparente, une structure syllabique simple, une morphologie
(dérivationnelle) très riche.<br>
<br>
Par conséquent, il serait tout aussi absurde
de prétendre que le finnois ne joue aucun rôle dans le succès de la
Finlande, que de prétendre que le finnois explique tout. Les résultats à
l'enquête PISA de n'importe quel pays sont nécessairement dus à
l'interaction complexe de plusieurs facteurs. <br>
<br>
Afin de mieux comprendre la nature et l'ampleur des avantages que procure le
finnois, il serait intéressant de réaliser des études comparatives entre les
populations finlandaises finnophone et suédophone, par exemple sur
l'acquisition du vocabulaire chez les enfants.<br>
<br>
<a id="references"><span style="font-size: large;">Références</span></a><br>
<br>
[1] <i>Future Learning Finland</i>, <a href="http://www.futurelearningfinland.fi">http://www.futurelearningfinland.fi</a><br>
<br>
[2] Allez par exemple sur <a href="http://www.youtube.com">http://www.youtube.com</a>
et faites une recherche "Pasi Sahlberg" (conférences en anglais).<br>
<br>
[3] Voir, par exemple, le livre <i>Salainen aapinen</i> (WSOY, 2000),
utilisé en CP, où l'on peut trouver des dialogues tels que (p. 66):<br>
<i>- Si-nul-la on ki-va ve-li.</i><br>
<i>- Sen ni-mi on Vil-le.</i><br>
<i>- Voi-ko Vil-len ot-taa sy-liin?</i><br>
<i>(etc.)</i><br>
<br>
[4] <i>Statistics Finland</i>, <a href="http://www.stat.fi/tup/suoluk/suoluk_vaesto_en.html#foreigners">http://www.stat.fi/tup/suoluk/suoluk_vaesto_en.html#foreigners</a>
(en anglais)<br>
<br>
[5a] <i>Why do Finland's schools get the best results?</i>, <a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/world_news_america/8601207.stm">http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/world_news_america/8601207.stm</a>
(en anglais)<br>
<br>
[5b] <i>Une éducation finlandaise</i>, <a href="http://www.youtube.com/watch?v=JBAPf0DFp1s">http://www.youtube.com/watch?v=JBAPf0DFp1s</a><br>
<br>
[6] <i>The Programme for International Student Assessment (PISA)</i>, <a href="http://www.pisa.oecd.org/dataoecd/15/13/39725224.pdf">http://www.pisa.oecd.org/dataoecd/15/13/39725224.pdf</a>
(en anglais)<br>
<br>
[7] Par ailleurs, le same (parlé en Laponie) est reconnu comme langue
régionale. Il y trois variantes de same parlées en Finlande: le same du nord
(environ 3000 locuteurs en Finlande), le same Skolt (300 locuteurs en
Finlande, quelques locuteurs en dehors de la Finlande), le same d'Inari (300
locuteurs, tous en Finlande). Davantage de détails sont disponibles sur <a
href="http://www.ethnologue.com/">http://www.ethnologue.com</a>.<br>
<br>
[8] <i>Statistics Finland</i>, <a href="http://www.stat.fi/tup/suoluk/suoluk_vaesto_en.html#structure">http://www.stat.fi/tup/suoluk/suoluk_vaesto_en.html#structure</a>
(en anglais)<br>
<br>
[9] <i>Shareownership in Finland</i>, Matti Ilmanen and Matti Keloharju, <a
href="http://lta.hse.fi/1999/3/lta_1999_03_a3.pdf">http://lta.hse.fi/1999/3/lta_1999_03_a3.pdf</a>
(en anglais)<br>
<br>
[10] FIM = mark finlandais. La Finlande commença à se servir de l'euro dans
la vie courante le 1<sup>er</sup> janvier 2002. 1 euro =
5,94573 marks finlandais.<br>
<br>
[11] <i>Suomenruotsalaiset elävät muita pidempään - miksi?</i>, <a href="http://www.finland.se/public/default.aspx?contentid=114462&nodeid=36125&contentlan=1&culture=fi-FI">http://www.finland.se/public/default.aspx?contentid=114462&nodeid=36125&contentlan=1&culture=fi-FI</a>
(en finnois)<br>
<br>
[12] <i>The Finnish success in PISA - and some reasons behind it - PISA
2003</i>, Institute for Educational Research, University of Jyväskylä, <a
href="http://ktl.jyu.fi/ktl/julkaisut/luettelo/vuosi_2007/d084">http://ktl.jyu.fi/ktl/julkaisut/luettelo/vuosi_2007/d084</a>,
<a href="http://ktl.jyu.fi/img/portal/8317/PISA_2003_print.pdf">http://ktl.jyu.fi/img/portal/8317/PISA_2003_print.pdf</a>
(en anglais)<br>
<br>
[13] <i>OECD PISA 2003: Young Finns among the World Top in Learning Outcome</i>,
Ministry of Education and Culture, <a href="http://www.minedu.fi/OPM/Tiedotteet/2004/12/oecdn_pisa_2003_-tutkimus_suomalaisnuorten_osaaminen_maailman_?lang=&extra_locale=en">http://www.minedu.fi/OPM/Tiedotteet/2004/12/oecdn_pisa_2003_-tutkimus_suomalaisnuorten_osaaminen_maailman_?lang=&extra_locale=en</a>
(en anglais)<br>
<br>
[14] <i>PISA 2006, Ministry of Education and Culture</i>, <a href="http://www.minedu.fi/OPM/Koulutus/artikkelit/pisa-tutkimus/pisa2006">http://www.minedu.fi/OPM/Koulutus/artikkelit/pisa-tutkimus/pisa2006</a>
(en finnois)<br>
<br>
[15] Mentionnons celles-ci:<br>
<ul>
<li>Les phénomènes d'assimilation ne sont pas reflétés par l'orthographe.
Par exemple, 'olenpa' ('je suis vraiment') se prononce 'olempa'.</li>
<li>Il n'y a pas de lettre pour la consonne occlusive nasale vélaire
voisée. Par exemple, 'kenkä' ('chaussure') se prononce 'keŋkä' (en non
'kenkä'), et 'kengän' ('chaussure', génitif singulier) se prononce
'keŋŋän' (et non 'kengän').</li>
<li>Redoublement final ('loppukahdennus'). Par exemple, 'tervetuloa'
('bienvenue') se prononce 'tervettuloa' en finnois standard.</li>
<li>Des exceptions isolées. Par exemple, 'sydämen' ('cur', génitif
singulier) se prononce 'sydämmen'.</li>
</ul>
[16] <i>Suomen kielen rakenne ja kehitys</i>. Lauri Hakulinen, Otava, 1979
(en finnois)<br>
<br>
[17] <i>Take the Test - Sample Questions from OECD's PISA Assessments</i>,
<a href="http://www.oecd.org/dataoecd/47/23/41943106.pdf">http://www.oecd.org/dataoecd/47/23/41943106.pdf</a>
(en anglais)<br>
<br>
[18] <i>The role of derivational morphology in vocabulary acquisition: Get
by with a little help from my morpheme friends</i>, Raymond Bertram, Matti
Laine and Minna Maria Virkkala, <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1467-9450.00201/abstract">http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1467-9450.00201/abstract</a>
(en anglais)<br>
<br>
[19] <i>Learning to Read: Reciprocal Processes and Individual Pathways</i>,
Marja-Kristiina Lerkkanen, thèse de doctorat, 2003, <a href="https://jyx.jyu.fi/dspace/bitstream/handle/123456789/13303/9513917827.pdf">https://jyx.jyu.fi/dspace/bitstream/handle/123456789/13303/9513917827.pdf</a>
(en anglais)<br>
<br>
[20] <i>Foundation literacy acquisition in European orthographies</i>,
Philip H. K. Seymour, Mikko Aro and Jane M. Erskine, <em>British Journal of
Psychology</em>, 2003, <a href="http://lyddansk.dk/sites/default/files/files/Foundation%20literacy%20acquisition%20in%20European%20orthographies.pdf">http://lyddansk.dk/sites/default/files/files/Foundation%20literacy%20acquisition%20in%20European%20orthographies.pdf</a>
(en anglais)<br>
<br>
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